La table ronde professionnelle animée par Fabien Landron, enseignant-chercheur à l’Università di Corsica, en présence du maire Jean-Christophe Angelini et des adjoints Dumenica Verdoni et Vincent Gambini, a permis d’aborder un thème essentiel en lien avec la filière cinématographique et audiovisuelle, son rapport au territoire. Un état des lieux de ce qui se passe en Corse, mais aussi ailleurs et plus précisément en Occitanie et en Bretagne.
Au-delà du constat, il était important, au travers des différentes interventions et des échanges avec le public, d’ouvrir les chemins des possibles en termes de perspectives. A la croisée des chemins et des horizons, cette table ronde donne l’occasion d’avoir une vision d’ensemble de la qualité de la filière corse mais aussi de ce qui fait dans d’autres régions.
Gérôme Bouda (co-fondateur d’Allindi, membre du CESEC) : « Le temps est venu de passer une étape supplémentaire ».
« Co-fondateur, en 2020, de la plateforme Allindi, réalisateur, producteur membre du CESEC, Gérôme Bouda cultive la singularité mais surtout pas la langue de bois dans un domaine qu’il connaît fort bien.
Pour Gérôme Bouda la filière insulaire possède d’indéniables atouts : « Cette table ronde va nous permettre de dresser un état des lieux, sans doute de poser les bases d’idées qui vont permettre à la filière de sortir de son isolement naturel en observant ce qui fait se fait de bien ailleurs, mais aussi de voir ce qui est moins pertinent ».
Un isolement qui selon Gérôme Bouda est dans un certain sens une force : « La Corse possède une véritable autonomie dans ce secteur. Nous avons les techniciens, les comédiens, les réalisateurs, les producteurs, les diffuseurs plateformes qui permettent à cette production corse de qualité de s’exprimer et bien entendu tout cela sur un territoire exceptionnel, géographiquement bien évidemment mais surtout riche de ses femmes, de ses hommes et de ses cultures dans des sites d’exception ».
Pour autant la filière cinématographique et audiovisuelle doit passer un certain nombre d’étapes : « On doit être en mesure de plus travailler à l’international, de co-produire à l’international, car à dire vrai le centralisme français ne m’intéresse pas ou peu, même si les acteurs insulaires ont tendance d’eux-mêmes à sortir de cet isolement, il faut renforcer cette mécanique. On ne doit jamais perdre de vue que la création actuelle est le fruit d’une situation politique et historique et que ce long chemin parcouru nous amène aujourd’hui à une certaine maturité. Le temps est venu de passer une étape supplémentaire qui est celle de l’ingénierie culturelle pour les porteurs de projets. Nous avons, donc, besoin d’une véritable plan de formation dynamique dans ce domaine ».
Aller de l’avant sans perdre de vue ses racines : « Il faut savoir ce que l’on veut dire de cette terre et des gens qui y vivent. Cela est d’une importance capitale pour savoir où l’on veut aller ».
Bien entendu se pose la question des moyens et dans ce domaine le propos de Gérôme Bouda est limpide : « On sait que la question économique, tout comme l’on sait, également, les retombées que la filière cinématographique et audiovisuelle a sur la Corse avec 30 millions € sur l’ensemble du territoire, est essentielle. Bien entendu, l’aspect cultuel et l’aspect économique ne peuvent pas être dissociés. Pour autant, si l’argent vous permet d’acheter une belle voiture, il ne vous apprend pas à conduire. Tout cela pour dire que l’on peut créer même avec peu de moyens et que dans ce scénario il doit y avoir de la place pour tout le monde à partir du moment où l’on est en quête d’une promesse de production de qualité en termes de propos et d’un soutien à l’activité économique des industries culturelles ».
Gérôme Bouda qui se définit lui-même comme un artisan de la Culture et du Cinéma conclut son propos par ces mots : « Cì pudemi è duvemi à – nivellu filosoficu – ritruvà sè stessu » »
Karim Ghiyati (directeur régional de l’agence Occitanie Film) : « vers la création d’un Ciné Tourisme »
est en terre de connaissance à Portivechju dont il a été directeur artistique de la Cinémathèque Régionale de 2002 à 2009.
Directeur régional de l’Agence Occitanie Film, Karim Ghiyati a évoqué les forces de ce Cinéma Occitan qui repose sur treize départements : « Actuellement sur l’Occitanie il y a en moyenne 80 tournages par an, dont la moitié sont des fictions. Nous avons la chance d’avoir sur l’Occitanie un vivier de 200 réalisatrices et réalisateurs qui résident sur le territoire, plus une centaine de sociétés de production. Si la majeure partie des productions est en français une partie de cette production fait la part belle à la langue occitane ».
Une filière qui bénéficie d’un soutien évident de la part de la Région Occitanie : « La région soutient notre secteur à hauteur d’une enveloppe annuelle de 4,7millions €. C’est bien entendu une aide importante mais qui vient dans le même temps soutenir un vivier très important comportant aux alentours de 1.500 techniciens et autant de comédiens.
Cette aide est sans conteste un point fort pour une filière qui ne manque pas d’autres atouts et non des moindres : « Il existe une véritable culture des tournages sur la région et il faut savoir que bon nombre de séries télévisés de grande audience sont tournées entre Montpellier et Sète. Cela engendre une véritable dynamique et puis au-delà les retombées financières sur la région sont très importantes car on estime qu’elles se situent alentours de 90 millions €. C’est bien entendu une donnée qui permet de mieux saisir l’importance de la filière en Occitanie ».
Loin de se contenter de l’existant Karim Ghiyati et son équipe explorent d’autres voies : « Aujourd’hui nous souhaitons faire découvrir notre région d’une autre manière en faisant découvrir les lieux de tournages au travers de la création d’un Ciné Tourisme ».
Lubna Beautemps (association Film en Bretagne) : « La Bretagne est une terre d’accueil pour les tournages »
L’association Film en Bretagne fédère les différents acteurs de la filière cinématographique et audiovisuelle. En son sein, Lubna Beautemps est en charge de l’accompagnement des professionnels regroupés en quatre collèges (producteurs, réalisateurs, techniciens et comédiens, acteurs de la diffusion), mais aussi de la coordination de ces secteurs, permettant de trouver un équilibre.
Une filière bretonne qui bénéficie d’un soutien financier important : « la région Bretagne octroie à la filière une aide importante de 4,1 millions € et cela fait partie de nos forces comme le fait d’avoir accueilli pour l’année 2023 un total de 808 jours de tournages, qui représentent une augmentation de 57% sur la région. Cela engendre des retombées économiques évidentes. Notre volonté est de poursuivre dans cette voie pour faire en sorte que la Bretagne soit une terre d’accueil pour les tournages. De plus la région Bretagne possède deux studios de tournages d’animations en volume (stop motion) ».
Un secteur qui vient de signer un contrat d’objectif et de moyen avec la région et qui dans le même temps se donne les moyens d’une plus grande visibilité sur les chaines locales et régionales qui sont une aide précieuse au développement : « Il y a une vraie production bretonne et pour la soutenir et l’encourager elle a besoin de la plus grande visibilité d’autant que nous avons, également, une vraie production en langue bretonne. Tout cela participe de la vitalité de la filière de la même manière que les près de 900 professionnels implantés sur le territoire dans les différents domaines de la filière ».
L’association Film en Bretagne qui poursuit ses efforts : « Notre souhait est de développer la fiction en Bretagne en accentuant le fait de devenir encore plus une terre de tournages et dans le même temps nous avons la volonté de développer la co-production à l’internationale ».