Le samedi 9 décembre, à L’Animu, la Commission Toponymie a restitué ses travaux qui ont débuté il y a exactement deux ans. Un vaste travail de recensement sur 1.600 toponymes répartis sur l’ensemble de la Commune.
Découvrez la carte sonore du territoire : https://nomadiloca.portivechju.corsica/#/
Fruit d’une vaste concertation cette restitution permet, à la fois une évidente réappropriation culturelle mais trouve, également, une application concrète dans le quotidien des Portovecchiais.
Pour revoir la présentation du 9 décembre :
Dumenica Verdoni, adjointe à la Culture et à la Langue Corse, a évoqué ces deux années riches d’échanges.
Quand ont débuté les travaux de cette commission toponymie première du genre à Portivechju et quelles sont les personnes qui la composent ?
Dumenica Verdoni : La première réunion de la commission toponymie s’est tenue à la demande de Monsieur le Maire Jean-Christophe Angelini qui souhaitait une inscription à maxima de la commune au cahier des charges Lingua corsa, le 1er décembre 2021, animée par la Direction de l’Action culturelle dans les locaux de l’Animu, sous l’égide de l’adjointe à la Culture ayant également en charge la diffusion de la langue corse, composée d’élus municipaux et d’habitants attestant de leur connaissance des lieux, répartis sur 10 secteurs afin de permettre une appréhension méthodique de notre vaste commune. Près d’une quarantaine de personnes ont participé aux 14 réunions qui ont été organisées, avec un « noyau dur » d’une dizaine de locuteurs portovecchiais toujours présents afin d’assurer une cohérence linguistique d’une réunion à l’autre et auquel selon les secteurs se joignaient d’autres locuteurs de tel ou tel village.
Au cours de l’année suivante, nous avons sollicité les services d’une entreprise spécialisée, pilotée par Francescu Maria Luneschi, Dr. en linguistique, aujourd’hui enseignant-chercheur à l’università di Corsica afin que l’ensemble de ce travail soit organisé en base de données, permettant également la mise en ligne visuelle et sonore des toponymes cartographiés.
Quel en était l’objectif premier ?
Répondre à la volonté de réappropriation culturelle des lieux, montrer combien à Portivechju, les habitants ont encore une mémoire vivante sociale et linguistique de leur territoire d’implantation et souscrire à l’obligation règlementaire applicable en janvier 2024 pour la commune de disposer d’une base d’adressage.
Peut-on chiffrer le nombre de toponymes recensés ?
1600 toponymes retenus en langue corse parmi les 2259 recensés et issus des :
- 750 toponymes dans le Plan terrier
- 577 toponymes dans la BD Topo de l’IGN
- 932 toponymes dans le cadastre napoléonien
Que nous enseigne la toponymie et en quoi est-elle importante dans la construction de ce Portivechju de demain ?
Au-delà de retrouver i noma di i loca, cette commission toponymie a, aussi, fait remonter à la surface, au travers des échanges, une partie du vécu historique, social et populaire de la ville de Portivechju et des hommes qui l’ont fondée et peuplée. Les discussions sur certains toponymes ont permis aux Portovecchiais de raconter leur territoire.
Par ailleurs, la dénomination des lieux présente des caractères topographiques utiles à l’urbanisation du territoire, elle nous donne des informations sur la nature des sols, le relief, le réseau hydrographique, les ressources naturelles, les activités : les toponymes sont une mémoire de l’expérience des lieux issue de l’observation ou de l’usage qui en était fait. Ils inscrivent le territoire dans le temps long, se portant ainsi garants de cette « durabilité » tant recherchée aujourd’hui.
Les toponymes sont un trésor linguistique, un système d’organisation spatio-temporel, une trace de la biodiversité, une source de connaissances et de savoir-faire que le système de l’oralité a su faire parvenir jusqu’à nous et que nous devons transmettre à nos enfants.
Transcrire cette mémoire orale qui a construit notre carte mentale, l’inventorier dans une base de données, la matérialiser sur des panneaux est nécessaire aujourd’hui si on ne veut pas que cette mémoire ne soit totalement recouverte par une signalétique hétéroclite, souvent hors-sol, anachronique, coupant les Portovecchiais de leur vécu.
Par la toponymie, les Portovecchiais identifient un lieu qui à son tour les identifie ! C’était vrai hier, ce sera vrai demain. À nous de choisir qui nous voulons devenir !
Cette culture orale a désormais une retranscription qui va demeurer ?
Deux transcriptions seront disponibles :
- une en version numérique disponible à tous, en accès sur le site de A Cità di Portivechju, visuelle et sonore.
- une matérielle, par le biais d’une signalétique physique des principaux toponymes.
Quelle va être l’application pratique du travail de la Commission ?
- Etablir la base d’adressage afin que chaque usager puisse être situé : pour toute livraison, pour les secours d’urgence, l’installation de la fibre… ;
- Lancer une consultation citoyenne et participative pour nommer notamment un certain nombre de voies qui sont encore anonymes ;
- (Re)déposer auprès du Comité de Massif et l’AUE un dossier de demande de financement, tel que cela a été prévu dans les AAP (Appel A Projet) de la CDC à ce sujet afin de doter la commune d’une signalétique entièrement en langue corse ;
- A terme, à partir du matériel récolté, envisager une publication qui mettrait en valeur le territoire de Portivechju en présentant différents aspects de sa structuration : géographique, historique, linguistique, anthropologique, socio-économique… pour une meilleure compréhension de ce rapport complexe et dynamique entre culture et nature….