Les enjeux de l’Intelligence Artificielle dans l’industrie cinématographique, tel était le thème cet après-midi de la Keynote, organisée dans le cadre du Portivechju Film Festival, animée par un spécialiste de renommée internationale en la personne de Luc Julia connu pour ses contributions majeures dans le domaine de l’IA et pour sa participation à la conception vocale de Siri dont il est le co-créateur.
Un parcours professionnel de haut rang, pour celui qui a fait de la Silicone Valley son domaine, marqué par la vice-présidence de Samsung en charge de l’innovation, puis Renault depuis 2021 où il continue d’explorer les limites de la technologie. Au moment où l’IA investit tous les domaines, Luc Julia a donc décrypté les enjeux qui y sont liés au sein de l’industrie cinématographique.
Luc Julia quel est aujourd’hui l’impact de l’Intelligence artificielle dans la création cinématographique ?
Aujourd’hui, là où on voit véritablement les IA apparaitre c’est dans la génération d’images, tout ce qui va être les images augmentées tout ce qui va être la réalité augmentée pour faire en sorte de rajouter des personnages qui n’existent pas, les effets spéciaux. Tout cela c’est de l’IA dans le sens où il y a de la création d’objets qui n’existent pas. Dans les films d’animation notamment car il y a beaucoup d’extrapolation. Il y a aussi ces IA qui vont permettre, pour un créateur de scénario de potentiellement tirer des fils et trouver d’autres possibilités et puis de jouer avec. Cela ne va pas être l’IA qui crée mais l’IA va me donner des options que je vais explorer. Comme dans tous les métiers et toutes les activités on peut mettre de l’IA presque partout.
En mesure- t-on aujourd’hui toutes les potentialités ?
Largement pas, on commence à peine à comprendre l’IA, même si cela date de 1956, il y a 68 ans. C’est avec les nouvelles IA génératives qui sont apparues voici deux ans, que l’on commence à comprendre le potentiel parce que ce sont des IA qui sont accessibles. Les IA d’avant 2022, elles étaient surtout accessibles aux programmateurs, aux gens qui étaient vraiment versés dans l’informatique. Aujourd’hui ces nouvelles IA elles sont véritablement accessibles à tout le monde et par conséquent tout le monde devient créatif grâce à ces IA. De plus en plus de domaines sont touchés car on n’a plus besoin d’être mathématicien ou informaticien ou autres.
L’IA permet de faire mieux le job que je suis sensé faire
L’intelligence artificielle outil ou bien concurrent ?
Définitivement outil, c’est quelque chose qui me permet de faire mieux le job que je suis sensé faire. Par contre, il est évident que certaines de ces tâches que je faisais avant je laisse l’outil les faire car il est bien meilleur que moi. Dans ce cas-là on peut toujours dire concurrent, mais ce n’est pas un concurrent parce que moi je suis assez intelligent pour utiliser l’outil pour qu’il fasse quelque chose que je n’ai pas envie de faire ou bien qu’il fera bien mieux que moi. Donc je n’ai aucune raison de ne pas l’utiliser
Vous qui aimez les gens, peut-on imaginer un long métrage sans jamais quelqu’un derrière ?
Non ce n’est pas possible si c’est quelqu’un à l’écran oui cela est possible mais si vous parlez strictement du fait qu’une IA puisse tout créer depuis le départ ce n’est pas possible. Il y a quelqu’un qui va utiliser l’outil et générer quelque chose qui sera potentiellement sans acteur, avec de la musique artificielle, tout artificiel. On peut imaginer cela, mais quelqu’un l’aura décidé. Une IA ne prend pas d’initiative, elle ne crée rien, n’invente rien. Elle ne fait que générer ce que je lui demande.
Aujourd’hui il est important de vulgariser ce travail sur l’IA ?
Ce qui est important c’est d’expliquer ce que c’est. A un moment donné on va réguler, l’Europe a décidé de réguler avec l’IA Act qui est sorti au mois de juillet cette année et cela a été fait à la va-vite en réaction à ces IA génératives qui sont apparues en novembre 2022. Bruxelles a fait cela en un an ce qui a été très rapide. Je pense que cela a été une erreur car on a régulé un peu trop sans avoir compris ce que c’était. En réaction de choses qui ne sont pas forcément réelles dans ces IA. Je préfère en général éduquer les gens pour que cela vienne de la démocratie. Pour que les gens participent à l’élaboration sans qu’on leur impose quelques chose qui n’a pas de sens ».