Frédéric Farrucci est à pied d’œuvre, avec toute l’équipe du film, pour cette première édition du Portivechju Film Festival où il a présenté, hier soir en avant-première, Le Mohican sélectionné à la récente Mostra de Venise. Son deuxième long métrage, après la Nuit Venue en 2019, dont la sortie dans les salles est programmée le 12 mars 2025.
Le réalisateur a évoqué cette avant-première porto-vecchiaise et la sélection à la Mostra vénitienne : «La sélection à la Mostra de Venise a été un moment très important pour la vie du film dans la mesure où c’est un des festivals les plus importants au Monde. La projection s’est déroulée de manière extraordinaire avec un public très réactif et très enthousiaste. C’était une projection riche en émotions et être ici à Portivechju pour la première édition du Portivechju Film Festival c’est quelques chose qui m’importe, également, énormément dans la mesure où on a commencé à tourner à Porto-Vecchio il y a plus d’un an, on a beaucoup tourné dans la microrégion. Pour ma part il est très important de pouvoir montrer le film aux personnes qui y ont participé où qui ont aidé d’une manière ou d’une autre. C’est chargé en émotion car c’est la première fois que le film est montré en Corse. Je suis évidemment très soucieux du retour du public corse ».
En marge de la Mostra, Vénitiens et Corses ont des points communs ?
Frédéric Farrucci : Ce sont les Vénitiens eux-mêmes qui me l’on fait remarquer lors du jeu des questions réponses à l’issue de la projection du film. Ils nous disaient qu’il y a quelques dizaines d’années ils étaient 500.000 vénitiens de souche à Venise et qu’ils n’étaient aujourd’hui plus que 50.000. Ils se qualifiaient plus de résistants de Venise que d’habitants de Venise. Pour eux le Mohican avait touché une corde sensible sur la difficulté pour les individus qui sont le plus organiquement liés à un territoire de pouvoir y subsister quand les enjeux économiques qui gouvernent le Monde prennent le pas sur tout.
On est un animal politique très tôt en Corse
Frédéric Farrucci vous déclariez il n’y a pas si longtemps que vous n’étiez intéressé par le cinéma qu’à partir du moment où il était « politique » ?
Cela peut paraitre très radical comme point de vue, mais ce n’est pas en tant que spectateur car en tant que spectateur il y a beaucoup de films que j’adore et qui ne charrient pas forcément un contenu politique. Mais ce qui suscite pour moi le désir de faire du Cinéma ce sont des questionnements politiques. Ce sont des constats que je fais sur le monde dans lequel je vis, sur la société dans laquelle j’évolue et qui génèrent un désir de l’évoquer d’une manière ou d’une autre. Cela ne signifie pas que je fais des films à thèse, mais mes films sont véritablement imprégnés de cette dimension. En Corse on est politisé très jeune et effectivement c’est une spécificité de ce territoire où les gens ont très souvent un avis politique et ont le goût du débat. On est un animal politique très tôt en Corse.
Si l’on se réfère à cela le Mohican s’inscrit dans cette veine car partant d’un fond bien réel ?
Le film a été inspiré par un documentaire que j’ai tourné dans l’extrême sud de la Corse au cours duquel j’avais filmé un berger du littoral qui s’appelle Joseph Terrazzoni, qui évoquait beaucoup l’évolution de ce territoire et le fait qu’il était de plus en plus isolé. Il se sentait de plus en plus une anomalie sur ce territoire lui qui élevait des chèvres, qui avait succédé à son père et à son grand-père, dans une pratique ancestrale. Il se trouvait marginalisé. Il nourrissait une grande inquiétude quant à l’avenir et au fait de transmettre l’exploitation à ses fils. Il pensait que c’était peut-être un cadeau empoisonné.
Ils recevraient peut-être la visite de gens qui viendraient leur dire maintenant on va faire un golf, un lotissement ou un hôtel. Pour ma part, je nourris une grande inquiétude sur la perte de diversité du territoire corse et en particulier de son littoral. Le film est né de cette rencontre et de cette inquiétud.
Votre sentiment sur cette première version du Portivechju Film Festival ?
Je suis très heureux d’être le premier film de l’histoire du Portivechju Film Festival et également très touché et très honoré que les organisateurs aient pensé au Mohican pour cela.