Festa di a Nazioni : Paoli et Napoléon, histoire d’une relation complexe

Une programmation de grande qualité au sein de laquelle Paoli et Napoléon vont occuper une place centrale en bénéficiant d’un éclairage particulier au niveau de leurs relations.

Pasquale Paoli et Napoléon Bonaparte ont marqué l’histoire de la Corse et même au-delà avec des destins d’homme d’Etat. Dans la mémoire collective ils demeurent souvent opposés voire même plus. Pour autant cette relation est bien plus complexe que cela avec une grille de lecture où les faits historiques et les convictions personnelles se croisent au sein d’un 18e siècle où la Corse va étonner l’Europe et le Monde. Pour évoquer cette relation complexe, Jean Guy Talamoni* sera présent à Portivechju pour animer une table-ronde autour des figures de Paoli et de Napoléon.

Jean-Guy Talamoni : Le moins que l’on puisse dire c’est que Napoléon Empereur a tourné le dos à la Corse pour laquelle il n’a pas fait grand chose, puis il ne faut pas oublier que c’est sous son règne que le Général Morand a sévi dans le Fium’orbu de manière tragique et cela est d’ailleurs resté dans la mémoire des Corses et même si Napoléon critique les méthodes de son général il ne le sanctionne pas

Pour autant, avant Napoléon, Bonaparte était très proche de Paoli

Il ne faut pas oublier que dans la grille de lecture parfois schématisée des années de lutte du nationalisme corse Paoli était le héros et Napoléon le traitre, mais cela est en en fait beaucoup plus complexe dans la mesure où dans ses jeunes années Bonaparte est un admirateur de Paoli. Charles Bonaparte, son père, et Hyacinthe Paoli le père di U Babbu di a Patria, étaient proches même si le premier a rapidement rejoint le camp français. Il faut savoir que Napoléon en voudra à son père pour ce ralliement et qu’à l’âge de 20 ans il est très véhément contre les Français et qu’après Ponte Novu il n’est que Corse et indépendantiste car il fait même le voeu de massacrer les Français. Napoléon va admirer Paoli jusqu’à la fin. De son côté Paoli dira en évoquant Napoléon: « il a vengé Ponte Novu ».

Intellectuellement l’héritage de Paoli chez Napoléon est évident ?

Il faut voir les choses dans leur complexité, c’est pour cela que l’on célèbre Paoli et que l’on commémore Napoléon, et en cela il convient de faire dialoguer les différentes interprétations mais il est une certitude c’est que l’influence de Paoli sur Napoléon est évidente et ce dans de nombreux domaines. La politique en matière de religion menée par Napoléon n’est pas celle de la révolution française, car nous sommes dans une sorte de laïcité à l’Italienne comme Paoli. Quand il signe le Concordat avec le Pape demeure le fait que la religion est bien séparée de la vie politique. De la même manière en ce qui concerne l’intégration des Juifs les points de vue sont identiques car ils sont intégrés à l’Etat et Paoli leur donnera même le droit de vote. En ce qui concerne l’éducation, Paoli va créer l’Università di Corti et Napoléon de son côté va réorganiser l’Université française, qui dépendait en grande partie du monde religieux, pour former les cadres de l’Etat. Puis, bien entendu, tous les deux dans le cadre de leur parcours d’homme d’Etat vont mettre en place une constitution. Enfin, même si ce sont des hommes du 18e siècle, ils étaient, déjà, à leur époque de grands communicants qui ont su valoriser leurs actions.

Napoléon a vécu deux influences, dans sa jeunesse celle de la révolution corse qui l’a profondément marqué et restera à jamais dans sa mémoire, et puis il y a aussi la révolution française, mais Napoléon n’est pas Robespierre. D’ailleurs il sera choqué par les massacres de la Révolution, mais c’est cette dernière qui lui permet par étapes d’arriver au pouvoir. Puis par la suite il a sans doute écouté son ego et il a vu qu’il pouvait faire carrière et les circonstances ont fait que ses talents en matière politique et militaire lui ont permis d’accéder au plus haut niveau. Dans tous les cas il demeure un enfant de la révolution corse dont Paoli est le héros indiscutable.