Ce mardi à 18 heures l’édition 2024 du Forum des Mathématiques organisé par l’association Mattu di Mat’ et la Ville de Portivechju va vivre dans la salle rouge un grand moment avec la conférence de clôture animée par Cédric Villani
Un échange de très haute volée version « mathématiques » pour les passionnés mais pas seulement. Dans la mesure où Cédric Villani, spécialiste de l’analyse mathématique, récompensé par la Médaille Fields en 2010 pour ses travaux sur l’équation de Boltzmann et l’amortissement Landau, directeur de l’Institut Henri Poincaré jusqu’en 2017 où sous sa direction a été créé le plus grand musée de France dédié aux mathématiques, n’a de cesse d’ouvrer pour la vulgarisation des Maths. Parallèlement à sa carrière, Cédric Villani a été élu député en 2017 dans la cinquième circonscription de l’Essone, il est l’auteur en 2018, en compagnie de Charles Torossian, d’un rapport sur l’enseignement des mathématiques en primaire et secondaire. Un rapport où sont détaillées 21 mesures pour améliorer une situation « calamiteuse » selon sa propre expression.
Personnage sans nul doute atypique, Cédric Villani, dont l’oncle était enseignant de mathématique à Sartène, invité de marque de ce rendez-vous porto-vecchiais a rejoint la Corse en voilier, fidèle de la sorte à ses engagements sur l’écologie.
En amont de sa conférence il évoque avec nous le domaine où il excelle.
Cédric Villani en quoi votre présence ici au Forum des Mathématiques est-elle importante ?
Cédric Villani : C’est la première fois que je viens dans ce Forum des Mathématiques, organisé par Dominique Barbolosi et ses collègues. C’est un événement qui parle de mathématiques ouvertes sur le monde avec des angles parfois poétiques pratiques, culturels ou historiques. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir combien la mathématique est une science vivante en prise avec le monde. Une science qui fait partie de notre vie.
En 2018 vous rendiez un rapport énonçant 21 mesures visant à améliorer l’enseignement des maths. Où en sommes nous aujourd’hui au regard des très récentes déclarations de la ministre de l’éducation Nicole Belloubet qui tire la sonnette d’alarme sur le niveau très bas dans ce domaine ?
Cédric Villani : Je n’ai pas entendu très exactement les termes de la déclaration de la Ministre, mais le niveau a chuté de manière très rapide à compter des années 90. Il y a eu trente ans de déclin quasiment inexorable. Mon impression est que l’on se trouve actuellement sur un plateau. Nous avons un niveau très bas des élèves français par rapport au standard international. Je parle des élèves des écoles primaires mais aussi des Collèges et des Lycées et cela coexiste avec le fait qu’au niveau de l’enseignement supérieur nous avons toujours un très haut niveau en mathématique mais cela ne concerne qu’une frange des élèves. Le premier impact de cette situation calamiteuse ce sont des heures innombrables perdues par des élèves qui ne s’y retrouvent pas et par des enseignants qui désespèrent d’avoir de l’impact dans leur matière préférée. L’impact secondaire ce sont des retombées pour la France en matière de capacité scientifique, au niveau de la formation.
Que doit-on faire pour rendre les mathématiques plus attrayantes ?
Cédric Villani : Il n’y a pas de recettes magiques, mais en premier lieu il faut rendre le métier de professeur attrayant, pour qu’il engendre de la fierté et du bonheur. Le premier indicateur d’un système éducatif pour savoir s’il réussit ou pas c’est la fierté des enseignants la façon dont ils sont valorisés par la société de manière matérielle et immatérielle. Le respect que leur renvoi la société, le prestige associé à la fonction. Il y aussi l’implication des familles dans l’éducation et la bonne synergie entre les enseignants et les familles. Il y a le socle commun aux élèves de savoirs fondamentaux, ainsi que la capacité pour les enseignants de prendre les choses en main et être suffisamment en maîtrise de leurs disciplines, pour mettre les choses au mieux et savoir ce qui va marcher avec leurs élèves
Dans le même temps, tout part de la formation des enseignants et en particulier pour l’école primaire car c’est le plus important. Les maths ne font pas de cadeau car si vous décrochez en primaire ensuite tout s’enchaine. Il y a aussi des efforts à faire sur les programmes mais aussi sur tout ce qui avec, les clubs les forums, les concours, les jeux. A la suite du rapport de 2018 les choses ont commencé à aller dans la bonne direction, mais on se heurte au manque de moyens. La réforme du bac est venue percuter tout cela d’une manière peu maîtrisée.
Pourquoi les mathématiques sont importantes dans notre quotidien ?
Cédric Villani : D’abord parce que c’est beau et que le beau nous fait vivre. Cela nous permet de passer du temps avec nos semblables humains et nous émerveiller ensemble. Il faut le revendiquer en tant qu’une activité qui est importante en soi. Les Mathématiques remplissent beaucoup de fonctions. C’est une discipline de service, pas d’économie, pas de biologie et bien d’autres domaines sans math. J’en parle sans arrêt dans mes podcasts de science sur France Culture même si ce n’est pas directement des mathématiques. Dans toutes les disciplines il y a un cœur mathématique majeur sans lequel on n‘aurait même pas pu mettre en place ces différentes disciplines. Cela prend encore plus d’ampleur avec le monde d’aujourd’hui algorithmique et numérique. Elles façonnent le raisonnement. Les maths sont dures même pour les professionnels. Elles demandent beaucoup de rigueur C’est un entraînement indispensable pour la pensée et c’est pour cela que c’est un domaine majeur